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Le géant et sa planète

Voici l'un des 17 contes de "Les yeux de paix"

Il était une fois un géant qui vivait seul sur une planète. Il la trouvait petite bien sûr, pour lui qui était si grand. Il en faisait le tour en une journée. Mais il l'aimait bien, elle était toute ronde et toute lisse, tellement lisse qu'elle brillait souvent et il la trouvait si belle quand elle brillait ! Les moments qu'il préférait étaient le matin et le soir, au lever et au coucher du soleil, car les rayons jaunes, orange, roses, dorés du soleil venaient se refléter sur la surface polie de sa planète et c'était splendide à regarder. Il ne s'en lassait pas. Deux fois par jour, il s'installait confortablement pour les deux spectacles que lui offraient le soleil et sa planète. Il ne les aurait manqués pour rien au monde.  
Le reste du temps, il s'ennuyait un peu, il faut bien le dire... Il marchait, faisait régulièrement le tour de sa planète pour s'assurer que tout était en ordre... Le plus souvent, il s'asseyait à même le sol, la tête dans les mains. Il regardait le ciel, il rêvait, il réfléchissait... On ne sait trop... Il se trouvait bien tranquille, en tout cas, et cela lui suffisait.  

Un jour qu'il était assis, comme ça, par terre, il se mit à gratter le sol de son doigt. Un doigt de géant, ce n'est pas rien ! Sans le vouloir, il déchira le beau sol lisse de sa planète ! Incrédule tout d'abord, puis stupéfait, le géant restait immobile à côté de la déchirure, ne sachant que faire.... Il n'en revenait pas. Comment cela avait-il été possible ? Qu'y avait-il en dessous ? La curiosité fut la plus forte et le géant retira un bout de ce qui se présentait comme une mince pellicule pour voir ce qu'il y avait dessous. C'était tellement nouveau et étonnant qu'il continua. Ce qu'il découvrait de sa planète n'avait plus grand chose à voir avec l'aspect qu'il lui avait toujours connu. En dessous, il y avait des creux, des bosses, des tas de couleurs différentes, des chemins qui menaient Dieu sait où... Le géant allait de découverte en découverte. Une nouvelle planète s'offrait à lui. Elle n'était plus du tout lisse et, à première vue, elle ne lui sembla pas si belle. Mais elle était pleine de surprises et de curiosités et cela l'intriguait.  

Le géant réalisa que ce qu'il avait pris pour la surface de sa planète n'avait été qu'une pellicule de protection, le papier cadeau en quelque sorte. Alors, il entreprit de découvrir entièrement sa planète. La mince pellicule se retirait facilement et se froissait d'elle-même et, en deux ou trois jours, tout fut enlevé. Le géant voulut tout connaître des paysages qui s'offraient à lui. Il chemina en long et en large sur sa planète. Il mettait beaucoup plus de temps qu'auparavant car il s'arrêtait sans cesse pour tâter tel relief, pour laisser ses doigts courir dans tel sillon... Tout était neuf et excitant. Tout d'un coup, il s'arrêta. Un gouffre immense s'étendait non loin de lui. Les bords en étaient nets comme si un énorme morceau de la planète avait été ôté d'un seul tenant. Le géant en fut très affecté. Sa planète avait l'air blessée, peut-être souffrait-elle d'ailleurs ? Où avait donc pu disparaître un tel bloc ? Etait-ce lui qui avait commis une grave maladresse en retirant la pellicule ?  

Le géant s’assit au bord du gouffre et se mit à réfléchir à toutes ces questions, sans trouver de réponses. Non dépourvu de sens pratique, il imagina trouver une aiguille assez grosse et un fil assez solide pour recoudre les deux bords de l'abîme... Mais cette solution ne lui plaisait qu'à moitié car le gouffre était vraiment large : une fois recousue de la sorte, sa planète ne retrouverait pas sa belle rondeur, elle resterait à jamais défigurée.  

Soudain, un terrible orage éclata, l'interrompant brusquement dans ses réflexions. Le géant resta assis à regarder tomber la pluie, stupéfait : toute la planète bougeait sous l'effet de la pluie. La terre changeait de couleur et d'aspect, des rivières et des torrents naissaient, le gouffre se remplissait... Jusqu'à présent, quand le géant vivait sur la pellicule qui enveloppait sa planète, il avait toujours vu la pluie ricocher ou couler sur la surface lisse, pour partir ailleurs ensuite. Là, tout était différent, le sol se transformait au fur et à mesure que l'eau tombait.  

L'orage dura une semaine entière. Pendant tout ce temps, le géant était resté assis sous les trombes d'eau à observer ce qui se passait. Puis, la pluie laissa la place au soleil et d'un seul coup, le géant découvrit une immense étendue d'eau devant lui. Ce n'était plus un gouffre, c'était une mer et elle était magnifique. Le géant sautait de joie. Jamais sa planète ne lui avait paru si belle ! Il vit la surface de l'eau bouger, il vit l'eau pénétrer la terre et la terre se laisser faire. Tout bougeait à présent !  

Le géant, désireux de participer à l'allégresse générale, s'allongea sur l'eau et se laissa chahuter par le mouvement des vagues. Il ne s'était jamais autant amusé ! Alors, il rendit grâce à son doigt qui avait gratté la couverture de la planète. Une nouvelle vie avait commencé pour lui ce jour-là.

Extrait de "Les yeux de paix, contes d'éveil" de Geneviève Lebouteux, éditions Opéra, 2003.

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